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LE CLUB DES COBDELIERS

Futurs girondins, futurs montagnards, qui n’ont pas encore appris à se diviser, poussent à l’envi à l’œuvre commune. Le Mercure National, les Révolutions de France et de Brabant, l’Ami du peuple emboîtent le pas à la Chronique de Paris. Madame Robert annonce dans le Mercure National que les Français devront leur bonheur aux sociétés fraternelles[1]. Camille Desmoulins écrit que les sociétés fraternelles qui s’élèvent de toutes parts sont, « comme les anciens groupes du Palais Royal, pendant les premiers moments de la Révolution ambulants dans les jardins et places publiques, aujourd’hui devenus sédentaires[2] ». Marat leur consacre plusieurs articles. Dès juillet 1790, il reprochait aux jacobins de ne pas recevoir parmi eux les citoyens passifs[3] : « Qu’attendre, disait-il, de ces assemblées d’imbéciles qui ne rêvent qu’égalité, qui se vantent d’être frères et qui excluent de leur sein les infortunés qui les ont affranchis ». Il proposait plus tard aux amis de la justice et de la liberté la formation d’une société des Vengeurs de la loi, dont le but serait de « poursuivre la punition de tous les crimes qui attaquent la sûreté et la liberté, publiques ou individuelles, et qui compromettent le salut du peuple ». Que la société, continuait-il, « soit peu nombreuse, mais bien choisie. Que Robespierre, Dubois de Crancé et Reubell en soient les fondateurs… Qu’on repousse de son sein tout courtisan, tout commissaire royal, tout académicien, tout pensionnaire de la Cour, tout financier, tout agioteur, tout procureur, tout membre de l’état major parisien, tout municipal. Que l’on n’y admette qu’avec une précaution extrême quelque jadis noble, quelque membre des anciennes cours de judicature, quelque ancien officier des troupes de ligne, quelque officier supérieur des bataillons parisiens ; et que, pour être admis, ils soient tenus à donner des preuves de civisme dix fois plus fortes que celles qu’on exigera des citoyens d’un état non suspect. Que la société ne soit formée tout au plus que de 26 membres, ayant voix délibérative ; mais qu’elle ait pour agréés tous les citoyens honnêtes qui viendront se présenter et qui promet-

  1. Mercure national du 22 avril 1791.
  2. Révolutions de France et de Brabant du 14 février 1791.
  3. Ami du peuple, n° 175.