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LES CORDELIERS AVANT VARENNES

avait pris ou avait reçu le titre de « fondateur et père de la société fraternelle[1] » et il n’entendait pas que l’appellation fut purement honorifique. Son autoritarisme ne tarda pas à déplaire. La société lui adjoignit un bureau dont il supporta impatiemment le contrôle. Au milieu ou à la fin de mars 1791, Dansard se sépara des commissaires chargés de procurer à la société un nouveau local. Il enchérit contradictoirement avec eux[2]. Peu de membres semblent l’avoir suivi dans sa scission. Ses opinions assez modérées, semble-t-il, étaient déjà dépassées. Une lettre que publia l'Ami du peuple du II janvier 1791, le représente comme un « endormeur qui fait grand bruit sur des vétilles[3] ».

En mars 1791, quand Dansard quitte la société qu’il avait fondée, les sociétés fraternelles étaient déjà nombreuses et puissantes. Les hommes politiques du côté gauche ne s’étaient pourtant rendu compte qu’assez tard du parti qu’ils pourraient tirer de l’entreprise d’éducation politique des masses conçue par le pauvre maître de pension. Les premières réunions organisées par Dansard datent de février 1790. Ce n’est qu’à la fin de la même année que la presse patriote les signale et les donne en exemple. L’article de la Chronique de Paris sur les débuts de la société fraternelle est du 21 novembre 1790. Date significative ! La lutte s’organise en ce mois de novembre 1790 contre la Constitution civile du clergé. Les aristocrates viennent de tourner contre la Révolution la meilleure des armes. Ils commencent à exploiter le sentiment religieux encore très profond dans les masses. Il n’est pas étonnant que les patriotes aient senti le péril et que, pour le conjurer, ils aient songé à généraliser l’institution d’éducation civique qui fonctionnait déjà obscurément depuis des mois dans le couvent même où délibéraient les jacobins.

  1. Cf. l’adresse de la société fraternelle en date du 28 février 1791.
  2. Les faits sont racontés dans une adresse rédigée par les adversaires de Dansard et publiée par l’Observateur du Club des Cordeliers et de la section du Théâtre-français, no 3, p. 21. Momoro rédigeait ce journal qui n’eut que quelques numéros. On peut le considérer comme le prototype du Journal du Club des Cordeliers que dirigera le même Momoro.
  3. Il est vrai que, d’après l’auteur de la lettre, Dansard s’était opposé à l’affichage du portrait de Marat dans la salle du club.