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LE CLUB DES COBDELIERS

comme par leur caractère de club de quartier et par leur programme de défense contre l’arbitraire, ils étaient eux-mêmes une société fraternelle, sinon la première en date, du moins l’une des plus anciennes.

La première en date des sociétés fraternelles et la plus célèbre, celle qu’on appelait la société fraternelle tout court[1] fut fondée, le 2 février 1790[2], par un pauvre maître de pension, Claude Dansard. Claude Dansard ne s’était proposé, au début tout au moins, que de faire connaître et comprendre à la foule illettrée les principes de l’ordre nouveau. C’était une tâche d’éducation civique qu’il avait entreprise. Tous les soirs, dans une des salles de ce même couvent des jacobins de la rue Saint-Honoré où siégeaient les Amis de la Constitution, il rassemblait les artisans, les marchands de fruits et de légumes du quartier, avec leurs femmes et leurs enfants, et il leur lisait, à la lueur d’une chandelle qu’il apportait dans sa poche, les décrets de la Constituante qu’il expliquait ensuite[3]. Peu à peu, le public de Dansard grossit. Quelques uns des assistants se cotisèrent pour assurer un éclairage de plus longue durée. Les séances purent ainsi se prolonger jusqu’à 10 heures du soir. En février 1791. on exigea une cotisation d’un sou par membre et on loua les chaises au profit de l’œuvre[4]. Le local étant devenu trop petit, les assemblées se tinrent dans l’église, à partir du 17 mars 1791[5]. En mai 1791, la municipalité loua l’église aux Amis de la Constitution. La société fraternelle émigra alors dans la bibliothèque qui devenait vacante par ce transfert[6].

Ce changement de local fut l’occasion d’une scission parmi les dirigeants de la société. Très fier de son œuvre, Dansard

  1. Son titre officiel était : Société fraternelle des patriotes des deux sexes, défenseurs de la Constitution, séante aux jacobins Saint-Honoré.
  2. Cette date m’est donnée par une estampe du Musée Carnavalet, reproduite dans J. Jaurès, Histoire socialiste, La Législative, p. 849.
  3. D’après l’article de la Chronique de Paris du 21 novembre 1790, reproduit dans S. Lacroix, 2e s., t. II, p. 53.
  4. D’après les Révolutions de France et de Brabant du 14 février 1791 (S. Lacroix, 2" s., t. III, p. 56).
  5. Feuille du jour du 23 mars.
  6. S. Lacroix, 2e s., t. III, p. 619. C’est le 4 avril que Charles de Lameth vint demander à la société fraternelle de lui céder l’église en échange de la bibliothèque (Feuille du jour du 11 avril).