Page:Mathiez - Le Club des Cordeliers pendant la crise de Varennes, et le massacre du Champ de Mars, 1910.djvu/28

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
12
LE CLUB DES COBDELIERS

Les gazetiers acquis à Lafayette ou à la liste civile ont accusé de bonne heure les Cordeliers d’être menés par des agents du duc d’Orléans[1]

Il faut avouer que certaines apparences pouvaient donner corps à ces accusations. Les Cordeliers ont engagé presque depuis leur naissance la lutte contre Lafayette et Lafayette était le rival et l’ennemi du duc d’Orléans. Il voyait la main du duc dans toutes les difficultés qu’il rencontrait. Que des agents orléanistes se soient glissés dans le club, la chose est possible et même vraisemblable. Le professeur Rotondo, célèbre pour ses démêlés avec le général, auquel il avait appliqué l’épithète de « Moitié l’un Moitié l’autre », a pu être rangé dans cette catégorie par M. Sigismond Lacroix[2]. Je crois qu’on y peut ranger aussi le publiciste Labenette, qui rédigea, en 1790, le Journal du Diable, qui se donnait pour une sorte de moniteur officieux du club[3]. Labenette fait alterner dans sa feuille l’éloge dithyrambique du duc d’Orléans avec l’éloge non moins dithyrambique de Danton et de Marat. Il publie en 1791 un pamphlet qui est une apologie en règle du duc en même temps qu’une violente diatribe contre Lafayette[4]. Sa première page porte une gravure représentant le général à genoux aux pieds du prince qui lui pardonne en ces termes :

La grandeur des Bourbons et le sang qui m’anime 
M’ordonne de te plaindre et pardonner ton crime.

Labenette avait pour colporteur de son journal un sieur Vachard, ancien marin qui avait servi sous les ordres du duc au combat d’Ouessant[5] et qui sans doute continuait à lui

  1. Cf. le pamphlet Grand dîner des conspirateurs... Bib. nat. Lb39 9072, cf. la Feuille du jour, le Babillard, l'Ami des patriotes, les Philippiques, etc.
  2. Actes, 2e s., t. I, p. 632.
  3. Le Journal du diable commence le 26 mars 1790. Bib. nat. Le 2 359.
  4. Le Portefeuille de Louis-Philippe d’Orléans trouvé dans la poche de M. de Lafayette, 1791, de l’imp. du Pont-Neuf, n° 19, « par M. Labenette, avocat, de l'Académie de Bretagne et de la Société des amis de la presse ». Bib. nat. Lb39 4841, 35 p. in-8.
  5. Vachard demeurait à Paris, chez Madame Dillon, rue d’Enfer, vis-à-vis de la porte du Luxembourg. Labenette cite son témoignage dans son pamphlet (p. 5).