Page:Mathiez - Le Club des Cordeliers pendant la crise de Varennes, et le massacre du Champ de Mars, 1910.djvu/26

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
10
LE CLUB DES COBDELIERS

Un autre, Fournier, a été planteur aux Antilles. Il se dit victime de La Luzerne et de Castries et est venu à Paris se faire rendre justice. En attendant, il se fait remarquer au premier rang dans toutes les journées.

Tous les Cordeliers notoires n’ont pas été nommés électeurs. Notons encore parmi ceux qui ont le plus d’influence : l’avocat Peyre, qui a joué un rôle important dans la révolte d’Avignon contre le pape et qui représente depuis juin 1790 le gouvernement révolutionnaire d’Avignon auprès de la Constituante et du peuple de Paris ; le boucher Legendre, le brasseur Santerre, l’avocat bossu Buirette de Verrières venu de Sainte-Menehould à Paris au début de la Révolution comme Camille Desmoulins de Guise, le naturaliste Roussillon ami de Jussieu, l’ingénieur Dufourny de Villiers, l’orfèvre Jean Rossignol, le futur général de 1798, l’homme de loi Desvieux (Marc-Louis), le journaliste Robert qui vient de Liège comme Le Brun, son compatriote, le futur ministre des affaires étrangères, le jeune journaliste Chaumette qui arrive de Nevers, etc. S’il y a dans le nombre des brebis galeuses, elles sont rares et on ne les perd pas de vue[1].

Y eut-il parmi les Cordeliers un homme dont on puisse dire que l’influence fut dirigeante, un chef ? Une légende, trop communément acceptée, a donné ce rôle à Danton. Légende fausse. Si Danton exerça une action considérable dans l’ancien district, dont il fut quatre fois président, son action au club échappe à l’examen. Il n’y parut presque jamais. Tout ce qu’on peut dire, c’est qu’il fut inscrit sur la liste des membres, c’est que les Cordeliers le comptent comme un des leurs. Mais il n’assiste pas aux séances, il n’y prend pas la parole. Les actes officiels émanés du club, les comptes rendus des journaux sont muets à son endroit. La tribune cordelière était devenue trop étroite pour ses ambitions. Il lui fallait maintenant la scène des jacobins. Il lui suffisait de garder aux Cordeliers quelques comparses dévoués chargés d’entretenir sa popularité, des Legendre et des Labenette[2].

  1. Je citerai l’ingénieur H. Dunouy, le chevalier de Rutledge.
  2. Labenette, ancien sous-officier devenu journaliste. Cf. sa déposition au procès de Marie-Antoinette. Moniteur, réimp. t. XVIII, p. 183 et plus loin, p. 12.