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des rois, faut-il que ceux qui gardaient leurs foyers soient réduits à dévorer des cailloux ? Faut-il que les veuves de ceux qui sont morts pour la cause de la liberté paient, au prix de l’or, jusques au coton dont elles ont besoin pour essuyer leurs larmes ? Faut-il qu’elles paient, au prix de l’or, le lait et le miel qui servent de nourriture à leurs enfants ?

Mandataires du peuple, lorsque vous aviez dans votre sein les complices de Dumouriez, les représentans de la Vendée, les royalistes qui ont voulu sauver le tyran, ces hommes exécrables qui ont organisé la guerre civile, ces sénateurs inquisitoriaux qui décrétoient d’accusation le patriotisme et la vertu, la section des Gravilliers suspendit son jugement… Elle s’aperçut qu’il n’étoit pas au pouvoir de la Montagne de faire le bien qui était dans son cœur, elle se leva…

Mais aujourd’hui que le sanctuaire des lois n’est plus souillé par la présence des Gorsas, des Brissot, des Pétion, des Barbaroux et des autres chefs des appelans[1], aujourd’hui que ces traîtres, pour échapper à l’échafaud, sont allés cacher, dans les départemens qu’ils ont fanatisés, leur nullité et leur infamie ; aujourd’hui que la Convention nationale est rendue à sa dignité et à sa vigueur, et n’a besoin pour opérer le bien que de le vouloir, nous vous conjurons, au nom du salut de la république, de frapper d’un anathème constitutionnel l’agiotage et les accaparemens, et de décréter ce principe général que le commerce ne consiste pas à ruiner, à désespérer, à affamer les citoyens.

Les riches seuls, depuis quatre ans, ont profité des avantages de la Révolution. L’aristocratie marchande, plus terrible que l’aristocratie nobiliaire et sacerdotale, s’est fait un jeu cruel d’envahir les fortunes individuelles et les trésors de la république ; encore ignorons-nous quel sera le terme de leurs exactions, car le prix des marchandises augmente d’une manière effrayante, du matin au soir. Citoyens représentans, il est temps que le combat à mort que l’égoïste livre à la classe la plus laborieuse de la société finisse. Prononcez contre les agioteurs et les accapareurs : Ou ils obéiront à vos décrets ou ils n’y obéiront pas. Dans la première hypothèse, vous aurez sauvé la patrie ; dans le second cas,

  1. De ceux qui avaient voté l’appel un peuple dans le procès de Louis XVI.