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Mais cela avait été difficile, terriblement difficile, car il n’était, en somme, qu’un ouvrier et elle était fille de bourgeois. Touché en plein orgueil de caste, le père, un veuf sec et dur, n’avait pas pardonné la faute de sa fille et, son consentement donné par écrit au mariage, jamais il n’avait voulu la revoir. Si bien qu’à vingt ans, Van den Eynde, enfant lui-même, s’était trouvé avec deux autres enfants à nourrir, sa femme et une petite fille qui venait de naître.

Et alors, me dit-il, j’ai travaillé, travaillé comme jamais un homme n’a travaillé.

Vous comprenez, ma petite femme était habituée à vivre comme une « dame » et j’entendais qu’elle ne se privât de rien.

Cela avait déjà été si dur pour elle, son renvoi du couvent et la honte des aveux à son père…

Je voulais aussi m’élever jusqu’à elle pour ne pas la perdre, car j’en étais fou.

Et ma foi, j’ai tant travaillé que cela commençait à aller ; j’étais devenu un petit entrepreneur de peinture, lorsque j’ai voulu me lancer d’un coup.

Avec quelques milliers de francs économisés en grattant sur tout, j’ai loué un emplacement à l’exposition de Bruxelles. Elle a brûlé !

— Vous n’étiez pas assuré ?

— Avec quel argent ?

Bref, j’ai tout perdu, et j’ai compris alors que jamais, jamais plus, je n’aurais la force de recommencer ce que j’avais fait.