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Bref, un sale endroit.

C’est là que je vis Van den Eynde pour la première fois, et aussi pour la dernière. Il était, en effet, condamné à mort. Et que ce fût affaire de semaines ou de mois, son cas était clair. Tout aussi clair que celui de l’assassin dont Deibler vient un beau matin prendre livraison, contre signature évidemment, comme il sied à une administration sérieuse.

Ce Van den Eynde était un drôle de petit type, très soigné de sa personne, car toutes les déchirures de son costume kaki étaient raccommodées et ce costume était propre.

En outre, il portait de longs cheveux à l’artiste et une moustache bien peignée.

Avec une sorte de grand feutre dont une queue de léopard remplaçait le ruban, il voulait se donner un air crâne, mais dans son regard qui était puéril, on discernait un affolement épouvanté.

Cette réduction d’hommes me frappa surtout parce qu’à tout mouvement ses membres se déplaçaient, comme s’ils eussent été indépendants les uns des autres.

Aussi, semblait-il sur le point de choir à chaque pas.

Parvenu au centre de la clairière, il sauta de son tipoye[1] ou plutôt il en tomba, me regarda, fit quelques pas de sa démarche étrange, s’arrêta en me fixant à nouveau de son air hagard, puis, brusquement, comme s’il venait de m’apercevoir, il s’avança en se

  1. Tipoye ou filanzane, siège porté par deux brancards.