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sombre, les savanes moutonnantes, infinies ; de lentement remonter en pirogue les rivières toutes lisses de chaleur sous le pesant soleil, ou même de vous enfoncer à pied dans le mystère de la grande forêt, là où l’homme n’est plus qu’une fourmi dans les hautes herbes, eh bien, vous y pourriez encore rencontrer, tout à coup, les mêmes hommes.

Et, où que ce soit, vous les trouverez tout vibrants. Oui, tout vibrants et de tous leurs nerfs exacerbés, même parfois jusqu’à la douleur, par la vie grandiose ou misérable, lamentable ou merveilleuse, mais jamais médiocre, et toujours forcenée, qu’ils ont menée, qu’ils mènent et mèneront sous un soleil sans pitié, que nul hiver, nul printemps ne tempérèrent jamais…

Les histoires contées en ces récits sont également vraies. Moi-même ai conversé avec Coupal, dans le petit club de brousse, garni de dépouilles fauves, chassé avec le nain Andikweli sur les pistes fangeuses de la forêt sans fin, et, parmi les foules hallucinées, dansé dans les secrets sanctuaires Nebeles.

De mes yeux, j’ai vu retirer la flèche sanglante fichée dans le dos du planton de Têtard.

C’est en me contant sa vie dans la clairière-caveau que le pitoyable Van den Eynde a sangloté sur l’inquiétant avenir de sa fillette.

Et la main de Stephanescu, fétidement expirant avec un grand air désespéré, s’est crispée une dernière fois toute glacée dans la mienne.