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revue d’histoire littéraire de la france.

tius termine dans l’édition originale un paragraphe qui commence ainsi : « Il est donc vrai que l’homme est le Roi de la terre qu’il habite ; car non seulement il dompte tous les animaux, etc. ». Le brouillon de Genève offre, à quelque mots près, le même début ; mais, après avoir fait remarquer que « l’homme s’approprie encore, par la comtemplation, les astres mêmes dont il ne peut approcher », Rousseau continue : « Puis-je me voir ainsi distingué sans me féliciter de remplir ce poste honorable, et sans bénir la main qui m’y a placé[1] » ?

Émile, III, 70-2, note : « Il me semble que loin de dire que les rochers pensent, la philosophie moderne a découvert au contraire que les hommes ne pensent point, etc. ». La note est accrochée à cette phrase du texte : « quand un philosophe viendra me dire que les arbres sentent et que les rochers pensent ». On lit dans le brouillon de Genève : « quand un philosophe viendra me dire que les montagnes pensent et que les rochers sentent » ; mais la note manque[2].

Émile, III, 75-6 : « Sans doute je ne suis pas libre de ne pas vouloir mon propre bien, etc. ». Toute cette discussion manque dans le brouillon de Genève, qui contient seulement sur la liberté le paragraphe suivant : « nul corps n’est actif et moi je le suis… j’empêche enfin la voix de l’âme de s’élever contre la loi du corps », et un petit développement qui a disparu dans les rédactions ultérieures. Mais, entre les deux et en marge, Rousseau a écrit de sa main, avec une encre plus récente : « ici sur la liberté voyez De l’Esprit, p. 36[3] ». On trouve en effet, à la page 36 de l’édition originale, les formules d’Helvetius que Rousseau a visées dans cette partie de la Profession. Cette note a dû être ajoutée par lui, quand, relisant son premier texte, il a marqué les endroits où il voulait insérer les réfutations du livre De l’Esprit.

Du reste, M. Schinz avait à sa disposition un texte plus accessible, qui aurait confirmé sa thèse et lui aurait permis de l’élargir. On sait que la plus grande partie des cinquième et sixième Lettres à Sophie[4] a passé dans la Profession de foi, mais les deux rédactions ne sont pas identiques : les dernières allusions à Helvetius que j’ai relevées dans la Profession manquent à la fois dans les Lettres à Sophie et dans le brouillon de Genève.

Lettres à Sophie, V [Annales J.-J, Jiovsseau, II, 120) : « Pour qui nous intéressons-nous sur nos théâtres ? Est-ce aux forfaits que vous prenez plaisir ? Est-ce que vous donnez des larmes à leurs auteurs punis ? Entre le héros malheureux et le tyran triomphant, duquel des deux vos vœux secrets vous rapprochent-ils sans cesse » ?

  1. Brouillon de Genève, fo  160 vo.
  2. id., fo  161 ro.
  3. id., fo  162 ro.
  4. On en trouvera le texte, publié par M. Eugène Ritter, dans les Annales J.-J. Rousseau, t. II, 1906, p. 119-136.