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rousseau contre helvetius


ROUSSEAU CONTRE HELVETIUS[1]


En Juin dernier, dans cette Revue[2], M. Albert Schinz a publié un important article sur « La Profession de fol du Vicaire Savoyard » et le livre « De l’Esprit ». On y trouvera quelques indications ou rapprochements utiles, et des hypothèses qui demandent à être contrôlées : les unes peuvent être vérifiées, il faut abandonner les autres. Voici plusieurs années que je travaille à une édition historique et critique de la Profession, qui paraîtra, je l’espère, prochainement. J’ai donc dû me poser, moi aussi, le problème que M. Schinz a traité. J’ai eu à ma disposition, pour le résoudre, des documents inédits, que je ne lui fais pas grief d’avoir ignorés, et, comme lui, des textes imprimés, dont il aurait pu peut-être tirer meilleur parti. Je ne pensais pas isoler cette étude sur Helvetius et Rousseau du reste de mon enquête, mais la publication de M. Schinz semble appeler une mise au point. Je la ferai très rapidement, sans entrer dans la discussion des idées générales qu’il a soulevées. Je me bornerai ici aux seuls faits, pour les compléter ou les vérifier[3].

  1. Sauf indication contraire, les citations de Rousseau sont empruntées à l’édition Hachette, 13 vol. in-18. — Helvetius est la véritable orthographe du nom.
  2. T. XVII, 1910, p. 225-261.
  3. Je note ici quelques menues inexactitudes qui ont échappé à M. Schinz : P. 227. La lettre à d’Alembert, où Rousseau lui donne ses impressions sur le Discours préliminaire, n’est pas du 26 juin 1754, comme l’indique l’édition Hachette. C’est Musset-Pathay, me fait remarquer {{M.|Th. Dufour, qui a le premier ajouté ce millésime inexact. L’original, publié en 1798 par Ch. Pougens, portait seulement : 26 Juin. Albert Jansen (Jean-Jacques Rousseau als Musiker, Berlin, 1884, in-8, p. 123, n. 2) avait déjà restitué la véritable date : 1751. — Les Pensées philosophiques et la Lettre sur les aveugles ne sont pas les seuls ouvrages de Diderot que Rousseau a lus en 1758 : il cite formellement la Lettre sur les sourds et muets (Lettre sur la musique française, VI, 169, 182) et fait des allusions précises dans la Profession aux Pensées sur l’interprétation de la nature. — P. 228 : « Il ne semble pas que Rousseau les ait connus • (Lametlrie et Maupertuis). Si ; cf., pour Lamettrie, Déclaration relative au pasteur Vernes, IX, 97 ; quant à Maupertuis et à son Système de la nature, il devait les connaître au moins par le résumé qu’en fait Diderot dans son Interprétation de la nature. — Il est étrange que M. Schinz place encore en 1736 le séjour de Jean-Jacques aux Charmettes. Il y a longtemps que MM. Mugnier et Ritter ont démontré que la date donnée dans les Confessions est inexacte : la date de 1738 est donnée aujourd’hui dans les bons manuels d’histoire littéraire. — P. 229, note 1 : « Rousseau place cela sous les chiffres 1747-1749 ». Ces dates ne sont point de Rousseau, et il faut s’en défier, comme de toutes celles qu’on lit en tête de chaque livre dans les éditions modernes des Confessions. Il semble qu’elles y aient été ajoutées — souvent inexactement — par G. Pelitain. M. Th. Dafour (Annales J.-J. Rousseau, 1908, IV, 249) a justement attiré l’attention des biographes sur ce point. —