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FÉNELON ET Mme GUYON
CXVI. — Mme GUYON A FÉNELON 1.

D’où vient que l’esprit est si clair et net, et qu’il semble que les opérations de Dieu se fassent dans le plus intime de nous-mêmes, et, pour ainsi dire, comme vers le siège du cœur’•) Rien ne passe par la tète ; mais, comme une source qui bouillonne, elles éclairent l’esprit sans brillant ni distinction 2, le metttant dans une parfaite sérénité ; et ce je ne sais quoi, dont la source est infinie, dilate le cœur, le pacifie ; et, bien qu’il n’y ait rien de sensible et de distinct, le goût sans goût 3 est au-dessus de toute expression, avec une pureté et netteté admirable ; et ce qui paraît de surprenant, c’est que, quoique l’esprit soit clair et serein, le cœur plein et étendu, il est pourtant certain que ce qui rend l’esprit de cette sorte n’est point dans l’esprit, que ce qui remplit le cœur sans sentiment n’est point dans le cœur ; mais cependant le siège est au dedans et on le distingue fort bien.

Au lieu que les autres opérations viennent de la tête, et qu’elles se répandent sur les parties du corps, celles-là viennent du fond proche du cœur, et se distribuent dans l’esprit par un vide fécond, car la mémoire ne représente rien et cependant n’est pas stérile pour cela, mais claire. sans nul terme ni objet ; l’esprit de même n’a nulle agitation, mais son calme est serein et lumineux:ce n’est pas un vide d’abrutissement ; au contraire, c’est une pure, simple et nue intelligence, sans espèce 4, ni rien qui borne. La volonté est aussi nue et vide, mais sans disette

1. Discours chrétiens et spirituels, t. II, Disc. LXVII, p. 229-230 ; premières et dernières lignes. Lettres, t. V, p. 400. 2. Cf. Lettres XII, p. 64 et n. 1, XIX, p. 60 et n. 2. 3. Cf. Lettre VII, p. 30 et n. 1. 4i. Cf. Lettre XXI, p. 64 et n. 2.