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L’OPINION ANGLAISE

pensable que soit une pareille mesure, elle est cependant, dans un sens constitutionnel, la plus grande innovation dans les lois de l’Angleterre depuis que notre constitution a été amenée au point de perfection où elle est. En effet, c’est une innovation de transformer un établissement anglais en une prison d’État, dans laquelle nous tiendrons renfermé pour la vie un souverain détrôné (car il a été universellement reconnu pour souverain). Ce ne serait pas même une moins grande innovation de notre part de tenir ainsi enfermé un individu anglais pour une infraction aux lois qui ne serait pas très criminelle et de nous établir geôliers au nom de ceux qui se croiraient le plus offensés. »

Si telle était l’opinion qu’exprimaient les journaux de l’opposition, le courant qui commençait à se former dans la nation était bien autrement fort. Chaque jour, l’affluence augmentait à Plymouth et de façon à devenir inquiétante. De tous les points de l’Angleterre, arrivaient des gens qui espéraient apercevoir Napoléon. « Le dimanche 30, écrit Maitland, la multitude des bateaux fut plus considérable que je ne l’avais encore vue. Je suis certain de ne pas exagérer en disant qu’il y en avait autour du vaisseau plus de mille, dans chacun desquels, en moyenne, il n’y avait pas moins de huit personnes. » Pour les écarter, on avait recours à des mesures d’une brutalité sauvage. À force de rames, les chaloupes de garde chargeaient ces barques légères de façon que, si elles les rencontraient, elles les