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NAPOLÉON À SAINTE-HÉLÈNE

un monsieur Drigni. » Ce parallèle dit tout. Si Napoléon a sauvé la vie à son neveu, William-George Keith-Elphinstone, Maitland a sauvé la vie de Napoléon.

Lord Keith n’a point le droit d’en dire davantage ; cela montre pourtant qu’il sait tout. Il a réalisé ce que présente d’horreur cette alternative infligée à un soldat : livrer l’Empereur ou sacrifier avec lui son équipage entier. Si, dans cette rade désastreuse, ce drame s’était accompli, qui en réalisera les conséquences ! Chaque boulet tiré sur la Saale eût ricoché sur les Bourbons et, au moment même où la frégate eût sombré, le trône, que les étrangers relevaient à si grand’peine, se fût écroulé pour jamais.

L’Empereur a échappé aux Royaux ; il est aux mains des Anglais, lequel est pire ?

Monté à bord du Bellerophon et arrivé sur le gaillard d’arrière, il s’est découvert et il a dit à Maitland : « Je viens me mettre sous la protection de votre prince et de vos lois. » D’une âme qui semble parfaitement sereine et d’un air qui impose à tous, il s’est fait présenter les officiers, il a visité le vaisseau, il s’est informé de toutes choses avec cette curiosité appliquée qui est un des secrets de son génie ; il a posé des questions sur les habitudes des Anglais. « Il faut maintenant, a-t-il dit, que j’apprenne à m’y conformer, puisque je passerai probablement le reste de ma vie en Angleterre. »