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À BORD DU BELLOROPHON

sentiments généreux de la nation anglaise, de l’asile qu’elle offrira certainement à des proscrits tels que Lallemand et Savary.

L’on peut croire que, des deux parts, on était sincère : Lallemand savait sa tête en jeu, Las Cases était fort neuf en pareilles affaires, pénétré de son importance, disposé à prendre ses désirs pour des réalités, désireux de rapporter à l’Empereur de bonnes nouvelles et par là de se rendre l’homme nécessaire ; il devait se convaincre que des paroles de courtoisie étaient des engagements en forme. Et, d’autre part, comment Maitland n’aurait-il point appuyé sur les formules et outrepassé les politesses alors que se présentait pour lui l’occasion d’enlever, sans même combattre, le plus désirable trophée que la fortune put réserver à un officier anglais ? D’ailleurs, il était un soldat et très brave. Il y avait sans doute, sous le drapeau anglais, des soldats qui, par ignorance ou par superstition, croyaient à la foi britannique, à la magnanimité de la nation, et rien ne démontre qu’à ce moment, Maitland ne fût pas de bonne foi et ne crût pas résolument que l’Angleterre s’honorerait en offrant l’hospitalité à son ennemi désarmé.

Lorsque Las Cases et Lallemand revinrent à l’île d’Aix, l’Empereur, pour la forme, tint un dernier conseil. Lallemand, peut-être Montholon, opinèrent encore contre. Tous les autres pour. L’Empereur, d’ailleurs, avait pris sa décision : il écrivit de sa main une lettre à l’adresse du Prince régent ;