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SUPRÊMES DÉLIBÉRATIONS

de Baudin qu’on irait prendre à Royan ; ou bien un chasse-marée que de jeunes officiers s’offrent de mener en haute mer jusqu’au premier navire marchand qu’on enlèvera ou qu’on achètera ; ou bien une goélette américaine que Joseph a nolisée à Bordeaux et qu’il est venu offrir à son frère ; tout cela est en l’air ; l’Empereur en laisse parler devant lui, paraît discuter, ne s’arrête à rien : dès qu’il ne reprend pas le commandement de l’armée, dès qu’il ne sort pas en souverain sur les frégates, muni d’un sauf-conduit qui le mette à couvert de toute recherche insultante, il ne voit qu’une issue, demander asile à l’Angleterre et déjà il remâche une réminiscence d’histoire grecque sur Thémistocle demandant asile au roi de Perse — cette phrase que tantôt il va écrire.

L’espèce de petite cour qui entoure l’Empereur est singulièrement divisée sur ce qu’on doit faire et déjà se déclarent ces rivalités qui, sous des apparences d’assaut de dévouement, rendront insupportable la fin de l’existence de l’Empereur. Quelques-uns tiennent pour un acte d’audace et supplient Napoléon de ne point se fier aux Anglais dont ils rappellent l’histoire entière ; la plupart sont d’avis d’aller à la croisière et le péril dont certains se croient menacés redouble leur conviction. Un en arrive à insulter quiconque le contredit ; Mme Bertrand, anglaise par son père, ayant passé en Angleterre une grande partie de son enfance, pleure. Le seul projet qui offre