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L’AGONIE

présente le verre à l’empereur, qui avale difficilement, veut rejeter la gorgée qu’il a prise, et, se tournant vers Marchand, lui dit d’un ton de reproche si affectueux, impossible à rendre : « Tu me trompes aussi ! » Marchand bouleversé ne se remet un peu que lorsque, après une demi-heure, l’Empereur demande de nouveau à boire, prend avec confiance un peu d’eau sucrée et dit ensuite : « C’est bon, c’est bien bon ! »

Tous les serviteurs passent debout la nuit du 3 au 4.

Le 4, il ne peut prendre qu’un peu d’eau sucrée avec du vin ou de la fleur d’oranger ; rarement il le garde ; un hoquet s’établit qui dure tard dans la soirée ; il peut encore se lever pourtant : Antommarchi prétend s’y opposer ; il le repousse, paraît contrarié de la violence qu’on lui fait ; il ne parle plus. Vers dix heures, il fait effort pour vomir, rend une matière noirâtre ; le hoquet s’établit, puis le délire ; il dit beaucoup de mots inarticulés, qu’on traduit par « France — Mon fils — Armée ». Ce sont les dernières paroles qu’il prononce. Cet état se prolonge jusqu’à quatre heures du matin ; le calme y succède ; l’œil est fixe, la bouche est tendue, le pouls s’abaisse. À six heures, on ouvre les persiennes ; on prévient Mme Bertrand, qui arrive à sept heures, s’assied au pied du lit. À huit, on avertit tous les Français qui ne sont pas du service intérieur : Pierron, Coursot, Archambault, Chandelier ; on les introduit. Il faut qu’ils voient com-