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NAPOLÉON À SAINTE-HÉLÈNE

reprises son médecin qui n’est pas rentré. Antommarchi arrive à la fin, se fait annoncer et demande à l’empereur comment il se trouve : « Je ne sais pas, lui répond brusquement Napoléon ; laissez-moi tranquille ; vous me posez des vésicatoires qui n’ont pas de formes ; vous ne rasez pas la place avant de les appliquer ; on ne le ferait pas pour un malheureux dans un hôpital ; il me semble que vous auriez bien pu me laisser un bras de libre sans me les entreprendre tous les deux. Ce n’est point ainsi qu’on arrange un pauvre homme. » Le docteur veut répliquer : « Allons, lui dit-il, vous êtes un ignorant et moi un plus grand encore de m’être laissé faire. »

Néanmoins, quand on lève les vésicatoires, ils ont produit de l’effet ; et l’Empereur, durant quelques jours, retrouve un peu d’appétit, mais la vie qu’il mène est la moins faite pour qu’il en gagne. Il passe la plus grande partie de ses journées dans son intérieur dont il tient exactement fermées les portes et les fenêtres ; s’il sort, c’est pour monter en calèche ou faire un tour dans le jardin, s’y asseoir et y passer une heure en compagnie de Montholon ou de Bertrand, « Cet état d’atonie va en augmentant chaque jour ; s’il rentre de promenade, l’air lui fait mal, il passe au billard et fait tout fermer… L’appétit a disparu, rien ne vient plus piquer sa sensualité. Il ne prend du rôti qu’on lui sert que la partie rissolée dont il extrait le jus avec son palais, sans pouvoir en avaler la viande ; son