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NAPOLÉON À SAINTE-HÉLÈNE

« la petite caravane » à la fin de février 1819 ; arrivée à Sainte-Hélène le 20 septembre, après treize mois ! On eût dit qu’il avait choisi à dessein ces trois Corses pour figurer, en face du Corse génial, ce que la Corse pouvait fournir d’ineptie, d’intrigue et d’ignorance : un vieillard qui, lorsque l’apoplexie ne le rendait pas muet, bredouillait alternativement en espagnol et en italien ses campagnes ecclésiastiques au Mexique et semblait tout ignorer d’un autre hémisphère ; un jeune prêtre qui, si vraiment comme on l’a dit, il avait étudié au séminaire de Saint-Sulpice et dans un séminaire romain, donnait la plus fâcheuse idée de l’instruction qu’on y recevait, mais qui du moins était dévoué et croyant ; enfin, un terrible homme, affolé de vanité, d’ambition et de lucre, non pas mal élevé, car la rusticité parfois a du bon, mais audacieux, familier et se tenant égal à tous, sinon supérieur : une étonnante idée de soi que complétaient une ignorance tranquille et un imperturbable aplomb.

Cet homme, dès son arrivée à Sainte-Hélène, semble avoir été convaincu par Lowe que l’Empereur n’est point malade et que sa maladie est politique. Alors, chaque fois que l’Empereur dit qu’il souffre, il prend un air entendu, sourit en connaisseur, car il n’a garde de le contrarier, mais il sait ce que parler veut dire : ce n’est pas lui qu’on prend pour dupe. L’attitude qu’il adopte vis-à-vis de son malade, inconvenante en toute occasion, est