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LES BERTRAND PARTIRONT-ILS ?

Dufresne. Celui-ci était mineur ; le Grand maréchal, condamné à mort par contumace, était mort civilement. Le fisc, légalement, pouvait intervenir, exiger la vente des immeubles, le ruiner et ruiner ses enfants ; n’importe, il resta.

Si l’Empereur ne parut pas lui en vouloir d’avoir pensé à faire partir sa femme, — et ce ne fut qu’une apparence, — il se détacha complètement de Mme Bertrand : il ne vint plus, comme il en avait pris l’habitude depuis qu’il avait renoncé à son travail, s’asseoir chez elle durant des heures, causer avec elle et regarder les enfants ; il ne lui demanda plus de monter dans la calèche et de faire avec lui le tour de l’enceinte ; la rupture fut complète. Il ne consentit à la revoir que quelques jours avant sa mort.

Avec Bertrand, il traita à diverses reprises la question, mais chaque fois avec une irritation croissante. « Bertrand lui-même, disait-il à Marchand, ne voit pas que, si je le laisse conduire sa femme en Europe, il ne me retrouvera plus à son retour. » Et il balançait alors s’il ne devait pas faire pour Mme Bertrand ce qu’il avait fait pour Mme de Montholon. Sans doute ; mais tandis que celle-ci arrangeait les affaires de son mari, celle-là, « par son laisser-aller, dissiperait la fortune de ses enfants ». Bertrand sent chaque jour s’éloigner la bienveillance de son maître : son cœur s’en attriste, mais son dévouement reste pareil ; au dedans, de plus en plus agité et nerveux, de plus