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NAPOLÉON À SAINTE-HÉLÈNE

prend à moitié et dit à Arthur que le lendemain, au coup de canon de midi, il sera satisfait. Au coup de canon, Arthur court chez l’Empereur, qui dort. Marchand ne voudrait pas laisser entrer l’enfant ; mais, craignant que, à ses cris, l’Empereur ne se réveille, il lui permet de s’asseoir sur un tabouret au pied du lit. L’Empereur, en ouvrant les yeux, voit Arthur qui, sans s’intimider, lui dit que le coup de canon est tiré et qu’il attend son cheval. L’Empereur appelle Marchand et le charge d’acheter le petit java, dont le propriétaire demande cinquante napoléons. Depuis lors, Arthur le monta tous les jours et, avec son Chinois qui le menait par la bride, et sa bonne Betzy, qui le tenait sur son cheval, il venait en grand équipage se montrer à l’Empereur. Pour compléter son costume, il eût voulu des éperons, et des éperons d’or, et comme il ne douta jamais de rien, — cet amant futur de Déjazet et Rachel, — il s’en vint les demander. « Demande-les-moi en français, lui dit l’Empereur, et je te les donnerai. » Mais la construction d’une telle phrase était hors des moyens d’Arthur, et il eut beau s’y reprendre à dix fois, il y échoua toujours.

C’étaient ces enfants qui l’attachaient surtout aux Bertrand, car la comtesse, le plus souvent malade, ne venait presque jamais chez l’Empereur, et le Grand maréchal, ponctuel en son service comme s’il était au régiment, apparaissait à l’heure précise pour le rapport, se présentait de la même façon, prononçait les mêmes paroles, recevait les