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NAPOLÉON À SAINTE-HÉLÈNE

Un tel cortège impliquait un départ ostensible, quasi impérial, excluait toute idée de traversée clandestine ; il y avait là un train qui ne pouvait être embarqué sans encombrer les frégates de façon à les rendre presque impropres à naviguer, entièrement à combattre ; il y avait des hommes qui s’accrochaient à l’Empereur comme les naufragés à la bouée de salut : on n’oserait point le tuer, lui, et ils se sauveraient avec lui ; il y avait des femmes et des enfants qu’on n’eût point exposés de gaieté de cœur. Qu’était-ce à dire ? Ou que Napoléon comptait toujours sur les passeports anglais pour gagner les États-Unis ; ou que, à défaut de passeports, il serait traité par les Anglais comme l’avait été Lucien, et ainsi vivrait-il dans un château, à portée d’une ville, recevrait-il qui il lui plairait, irait-il à peu près où il voudrait, au moins dans un certain rayon, correspondrait-il de même presque librement et mènerait-il somme toute une existence encore souhaitable ?

Que l’on compare sa façon d’agir à celle de Joseph au même moment : Joseph demande à Paris des passeports ; c’est sous des noms d’emprunt ; sa suite, des plus restreintes, se compose d’un homme de confiance, d’un médecin espagnol et d’un interprète américain. Joseph est décidé à passer coûte que coûte aux États-Unis, quitte à y débarquer comme un particulier inconnu, quitte à faire la traversée sur un aventurier, quitte à ris-