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LE RENVOI DE LAS CASES

cissement momentané de sa faveur, il était le compagnon le plus utile à l’Empereur, le seul dont la conversation lui agréât, le seul qui occupât son oisiveté et fournît un aliment à son esprit. Seul avec Bertrand, — lui de 1766, Bertrand de 1773, — il était d’âge à se rappeler les événements qui intéressaient l’Empereur, et, tandis que Bertrand, absorbé entre sa femme et ses enfants, ne paraissait chez l’Empereur qu’à heures fixes et pour un travail donné, Las Cases était toujours là, et sa parole n’était point enchaînée, comme celle de Bertrand, par le lien d’une discipline subie depuis vingt ans. Cela, tout le monde le sentait et le savait à Longwvood et hors de Longwood, et l’espèce de rage qu’éprouvaient, contre Las Cases, les Montholon et Gourgaud, suffisait à le montrer. Las Cases était pour l’Empereur le seul homme nécessaire, parce qu’il était le seul qui pût encore l’intéresser à la vie, fût-ce à sa vie passée, et, par là, à sa vie présente.

Mais, Las Cases avait entrevu une autre mission qui n’était pas pour flatter moins son amour-propre, son zèle et son dévouement, ni pour procurer moins de retentissement à son nom. Il rêvait d’être en Europe le porte-paroles de Napoléon : arrivant de l’île maudite, couvert d’un prestige que lui assuraient son désintéressement, la noblesse de sa conduite et la pureté de son caractère, il porterait au tribunal des rois les plaintes du proscrit, il agiterait l’opinion des peuples, il obtiendrait des