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LE RENVOI DE LAS CASES

particulier. Chacun réclamait sa tranche d’histoire, qu’il fût ou non capable de la traiter. Au lieu de dictées réitérées, formulant peu à peu la rédaction définitive, au lieu d’une suite ménagée où la mémoire se retrouvait et s’exaltait, le dispersement entre des époques, si fort éloignées qu’il fallait, à chaque fois, un effort considérable pour se retrouver, se reprendre et arriver à quelque précision ; au lieu d’une rédaction où il était impossible de méconnaître la touche du maître, et où la collaboration du secrétaire ne se révélait qu’à la mise au point de certains détails, à l’unité des vues et à l’enchaînement du récit, quatre différentes façons de recevoir la pensée et d’en suggérer l’expression. La dictée, si précise soit-elle, implique toujours un travail de revision, et à ce travail chacun s’appliquait à sa façon, y portant ses qualités ou ses défauts, au détriment de la pensée initiale et de l’unité de l’œuvre. Le plus grand défaut de cette quadruple collaboration, c’est qu’elle avait dégoûté l’Empereur d’un labeur suivi et que, avant même qu’il eût abordé son règne, il devait interrompre son récit pour n’en reprendre que les dernières péripéties, en vue d’expliquer comment il n’était point responsable du désastre de Waterloo. Las Cases n’avait donc plus, dans ce travail collectif, qu’un quart de confiance, et c’était là assurément la désillusion la plus pénible qu’il pût éprouver. Ne se mêlant en quoi que ce fût aux intrigues des commensaux de l’Empereur, dédaignant aussi bien