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NAPOLÉON À SAINTE-HÉLÈNE

Jamestown et quand il n’en apprend pas, il en invente ; car cet homme n’est pas un menteur, c’est le Menteur. Toute son existence repose sur un échafaudage de prodigieux mensonges ; dans ce nombre, il en est qu’on s’explique, car ils sont profitables ; il en est d’inutiles qui pourraient indiquer la manie ; mais il n’en est pas de dangereux : donc il sait se garder et il se garde. On le fait manger seul, puis, sur sa demande, avec le médecin et l’officier d’ordonnance, il s’y trouve bien, car il parle anglais couramment. On ne sait pas pourquoi il est venu ; on ne saura pas davantage pourquoi il part. Les Anglais, sans que l’Empereur en eût jamais témoigné le désir, l’ont autorisé à venir à Sainte-Hélène et à y résider ; de même, ils lui retirent l’autorisation et le chassent. Au surplus, les neuf mois qu’il aura passés près de Napoléon lui seront singulièrement profitables ; il vivra sur eux le restant de ses jours ; il sera honoré et pensionné pour son courageux dévouement et on lui consacrera des biographies louangeuses, puis des oraisons funèbres où l’on exaltera toutes ses vertus, même sa sincérité, et, avec une merveilleuse adresse, il se glissera ainsi en marge de l’histoire[1].

  1. Sur l’arrivée, le séjour à Sainte-Hélène de Piontkowski, son départ et ses destinées ultérieures : Un aventurier a Sainte-Hélène. Le colonel comte Piontkowski. Ap. Autour de Sainte-Hélène 2e série.