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NAPOLÉON À SAINTE-HÉLÈNE

visiteurs regagnaient la ville et il fallait, non sans peine, atteindre onze heures où l’Empereur se couchait ; aussi essaya-t-il de la promenade, mais sans succès ; souvent il restait assis devant la table, sous la tente, à causer avec Las Cases ; plus souvent, il s’asseyait dans une allée où les Balcombe venaient le rejoindre avec leur mère et lui conter des nouvelles : les bruits qui couraient dans la bourgade ou dans le camp, les racontars qu’apportaient d’Angleterre ou du Cap les navires en relâche, sottes histoires démenties à peine narrées où s’accrochait quelques instants la curiosité ou l’espérance. Napoléon se plut toujours à Paris comme à Vienne ou à Berlin, à entendre, sa femme, sa maîtresse, son valet de chambre au besoin, lui faire ainsi des récits, même sur des gens qu’il ne connaissait pas et que, selon toute probabilité, il n’avait aucune chance de rencontrer jamais.

L’on ne saurait dire qu’il ne trouva point dans ces soirées, où la température rafraîchie se rendait délicieuse, des moments agréables. Il s’asseyait dans une allée favorite où on lui apportait son café, puis il s’y promenait longuement en causant. Il recherchait dans l’azur profond que ne tachait aucun nuage, parmi les constellations nouvelles, s’il ne trouverait pas son étoile ; il revenait aux époques heureuses, parlait de Joséphine et de Marie-Louise, s’attendrissait à la pensée de son fils. « Peut-être un jour, disait-il, cette allée ne reviendra pas sans charme dans notre souvenir. »