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LES BRIARS

goyaves, les mangues mûrissaient en même temps. Une cascade, tombant d’une hauteur de deux cents pieds et pulvérisée dans sa chute, emplissait de fraîcheur et d’une surprenante intensité de vie ce coin de terre, et par une fente dans l’enceinte de rochers, on apercevait, à une demi-lieue, Jamestown et l’Océan. Mais ici l’Océan n’était point importun ; il n’opprimait point, n’imposait point son immensité déserte, qui prolongeait jusque dans l’infini les murs du cachot. On ne saurait dire que Napoléon s’y sentirait libre, mais il pourrait y oublier parfois qu’il ne l’était point.

Seulement, la maison était habitée par un sieur Balcombe, négociant, qui, comme la plupart des « marchands généraux », procurait l’approvisionnement des navires et qui avait le titre de pourvoyeur de la Compagnie des Indes. Ce fut lui qui fut chargé de fournir tout le matériel nécessaire à la maison de l’Empereur, et il s’en acquitta au mieux de ses intérêts. Balcombe était là aux Briars (Les Ronces) avec sa femme et ses deux filles, Jane et Betzy, deux blondes gentilles, du fruit sauvage, acide et inattendu.

L’Empereur désirait tellement ne point entrer dans la ville, où l’eût importuné la curiosité des habitants, qu’il s’estima presque heureux de trouver asile, à trente ou quarante pas de la maison des Balcombe, dans un petit pavillon, « une espèce de guinguette », sur un tertre à pic, où dans les beaux jours la famille venait prendre le thé. Une pièce au