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NAPOLÉON À SAINTE-HÉLÈNE

la ville, dans ce paysage où la végétation misérable contrastait plus encore avec la hauteur des montagnes, l’âpreté des rochers, la vertigineuse profondeur des gouffres. Cette nature ne souffre point qu’on l’égaye de verdure ou de fleurs. Elle demeure rude et désespérante, avec ses arbres nains au feuillage gris, tous penchés par la persistance du vent d’un même côté, qui semblent s’enfuir dans la terreur. Pourtant l’Empereur, qui venait de passer trois mois à la mer et qui se trouvait, pour juger Sainte-Hélène, dans le même état que les passagers venus de la Chine ou de l’Angleterre, par qui s’établit la légende du Paradis terrestre, parut satisfait. D’autre part, eût-il voulu témoigner alors un désir ou une impression personnelle au sujet de sa prison ? Dès que l’Angleterre s’arrogeait le droit de le détenir, eût-il estimé qu’il fût digne de lui de discuter le plus ou le moins de confort dont il serait entouré ? Le Grand maréchal n’était point homme à suggérer de telles plaintes, pas plus que Napoléon, de lui-même, n’eût été, au début du moins, homme à en exprimer.

En descendant de Longwood, l’Empereur remarqua, au milieu d’un cirque désolé, une petite maison bâtie sur une sorte de tertre vert ; une avenue de figuiers banians la précédait, et elle était comme noyée parmi les laquiers énormes, les grenadiers et les myrtes. Des fleurs partout, et, derrière, un verger où les raisins, les citrons, les oranges, les