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NAPOLÉON ET LAS CASES

traits, d’en expliquer les conséquences, d’imaginer ou de déduire les raisons de ses succès et les causes de ses revers, toutefois sans entrer dans aucune discussion philosophique ou morale.

Ce fut le 9 septembre qu’il commença de dicter à Las Cases l’histoire de sa vie, et il la prit au siège de Toulon ; puis il passa aux campagnes d’Italie. Après la première dictée, il avait montré peu de ferveur, mais la régularité avec laquelle Las Cases le suivait, l’habitude prise, l’effort déjà réalisé, l’attachèrent, et il y trouva un charme qui lui rendit le travail nécessaire.

Il avait dès lors adopté un procédé de travail qui resta identique tant qu’il put s’y livrer avec quelque suite, qu’il y trouva une sorte de diversion à ses maux, et qu’il eut des collaborateurs capables de l’entendre. Vers onze heures du matin, il faisait appeler Las Cases, qui lui lisait la dictée prise la veille, telle que son fils l’avait mise au net. Il faisait des corrections et dictait la suite, ce qui le menait jusqu’à quatre heures : Las Cases courait alors au réduit qui lui était assigné, par le travers du grand mât, — l’embrasure d’un canon isolée par une toile, — et il dictait à son fils, son compagnon de cabine, ce qu’il avait recueilli grâce à une sorte d’écriture hiéroglyphique et à l’impression toute fraîche de sa mémoire. Le soir, en se promenant sur le pont, l’Empereur revenait sur la dictée du matin ; le lendemain matin, « en commençant, il se plaignait que ces objets lui fussent devenus