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NAPOLÉON À SAINTE-HÉLÈNE

dates, des indications de faits et un contrôle pour sa mémoire, il commença à dicter à Las Cases, et bientôt ce travail le passionna au point qu’il devint le seul auquel il se livrât. Il avait bien essayé d’apprendre l’anglais de Las Cases qui, à ce qu’il semble, le savait assez mal, — car les traductions de pièces anglaises qu’il a données, dans ses mémoires, sont singulièrement fautives ; mais, après quelques leçons dont il subsiste de curieux devoirs, il s’était rebuté, le parler ne correspondant point à l’écrit, et d’ailleurs son inaptitude aux langues étrangères étant un des phénomènes caractéristiques de son cerveau. Il semble n’avoir jamais parlé correctement l’italien ; malgré les rapports forcés qu’il eut avec les Allemands depuis la campagne d’Ulm jusqu’à celle de Leipsick, pendant près de neuf années, il n’a jamais eu le goût ni la patience de chercher à entendre l’allemand. Pour l’anglais, bien qu’il eût d’abord marqué quelque zèle, il ne s’y était point attardé, et si, par intermittences, il s’y reprit, on ne voit pas qu’il y ait jamais assez réussi pour consulter l’Annual Register ou lire un journal. Seule, de fait, son histoire ou ce qui se rapportait à son histoire, ou ce qui avait avec elle une relation qu’il pût établir, était pour l’intéresser. Il n’était pas un spéculatif, et l’Histoire même était pour lui son histoire. Tout ce qui était d’autres études ne le retenait point à présent. La seule façon qu’il eût d’agir encore était de se souvenir de son action, d’en repasser les