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NAPOLÉON À SAINTE HÉLÈNE

Marchande de modes peut-être, bien qu’elle figure au Barouetage comme Clara, fille de Jean de Gallais de la Bernardine, comte de la Sable, en Anjou, — noms et titres qui laissent rêveur, — brave fille pour sûr, car, si l’amitié qu’elle portait à Las Cases lui inspira ses démarches, celles-ci n’en furent pas moins adroites, désintéressées et compromettantes. Par la suite, Las Cases obtint par elle de moindres succès, mais l’on peut croire qu’elle demeura toujours aussi disposée à le servir.

Les Bertrand, les Montholon, Gourgaud, Las Cases, tels étaient les éléments sociaux qui allaient entrer en contact et forcément en frottement : ils étaient les plus disparates qu’on pût imaginer, et rien, peut-on dire, ne pouvait rendre à ces êtres une cohabitation supportable. Dès que s’atténueraient les formes de l’étiquette ; dès que, n’étant plus contraintes par l’ambition, par le prestige du trône ou par la discipline militaire, les natures véritables se feraient jour, la bataille s’engagerait et ce seraient alors les meilleurs ou tout au moins les plus sincères qui succomberaient.

L’Empereur, quoi qu’il fît pour maintenir la balance égale entre ses compagnons, ne pouvait trouver le même agrément aux uns qu’aux autres ; il eût fallu pour les contenter qu’il dosât les mots qu’il leur adressait avec une précision scientifique ; il avait ses raisons pour exiger de ses compagnons des formes telles qu’aux jours les plus éclatants de sa puissance ; il devait à lui-même de protester