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LE GENERAL GOURGAUD

apprit tout de suite son exclusion et entra dans une colère furieuse ; il employa tous les moyens, menaces et prières, pour obtenir que Bertrand fit revenir l’Empereur sur sa décision, et il parvint à être inscrit le troisième sur la liste des officiers qui devaient partir.

Cela fut un grand mal : entre Montholon et Planat, nulle rivalité n’eût été possible, et si Planat, comme on s’en assura par la suite, était ombrageux et inquiet, le dévouement l’eût assoupli et l’eût fait passer sur les contrariétés. Gourgaud, général, devait être en constante rivalité avec Montholon, son ancien, mais de si peu, dont les actions de guerre ne pouvaient compter ; par bonheur, il était mal renseigné, — tout aussi mal que les autres et que l’Empereur lui-même.

Par la carrière qu’il avait parcourue en moins de trois ans, de capitaine à général de brigade, comment n’aurait-il pas eu la tête échauffée, cet homme de trente-deux ans, si grand, si fort, si sanguin, qu’on vit, seul de toute l’armée, porter sa barbe coupée aux ciseaux, tant elle était épaisse et fournie ? Dès Moscou et sa nomination de baron « son orgueil n’avait plus de bornes » ; violent, brutal, « mauvais coucheur », brave en même temps et volontiers l’épée en main, il était né contradicteur, et ce n’était point son éducation qui l’avait réformé. Il eût pu se corriger au régiment, mais, s’il compta au 6e d’Artillerie, il y parut à peine. Vis-à-vis des supérieurs, il se contraignait, mais