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nue, et qu’il n’y a plus de ressources ; et il conserve, dans le lit de sa douleur, cette majesté, cette sérénité, qu’on lui avait vue autrefois aux jours de ses prospérités sur son trône ; il règle les affaires de l’État, qui ne le regardent déjà plus, avec le même soin et la même tranquillité que s’il commençait seulement à régner : et la vue sûre et prochaine de la mort ne lui donne pas ce dégoût et cette horreur de penser à ce qu’on va quitter, qui est plutôt un désespoir secret de le perdre qu’une marque que l’on ne l’aime plus. Les sacrements des mourants n’ont pas autour de lui cet air sombre et lugubre qui d’ordinaire les accompagne ; ce sont des mystères de paix et de magnificence. Et ce n’est pas ici un de ces moments rapides et uniques où la vertu se rappelle tout entière, et trouve dans la courte durée de l’effroi du spectacle la ressource de sa fermeté ; les jours vides et les nuits laborieuses se prolongent, et l’intrépidité de sa vertu semble croître et s’affermir sur les débris de son corps terrestre. Qu’on est grand, quand on l’est par la foi !

La vue fixe et assurée de la mort, soutenue durant plusieurs jours sans faiblesse, mais avec religion ; sans philosophie, mais avec une majestueuse fermeté ; ne voulant exciter ni l’attendrissement, ni l’admiration des spectateurs ; ne cherchant ni à les intéresser à sa perte par ses regrets, ni à s’attirer leurs éloges par sa constance ; plus grand mille fois que s’il eût affecté de le paraître. Accourez à ce spectacle, censeurs frivoles et éternels de sa vertu, et qui aviez traité peut-être sa piété de faiblesse, et voyez si la vanité toute seule ne se ferait pas honneur de tout ce que la grâce opère de grand en Louis dans ces derniers moments ! Mais la vanité n’a jamais eu que le masque de la grandeur ; c’est la grâce qui en a la vérité.

Il assemble autour de son lit, comme un autre David mourant, chargé d’années, de victoires et de vertus, les princes de son auguste sang et les grands de l’État. Avec quelle dignité soutient-il le spectacle de leur désolation et de leurs larmes ! Il leur rappelle, comme David, leurs anciens services : il leur recommande l’union, la bonne intelligence, si rares sous un prince enfant ; les intérêts de la monarchie, dont ils sont l’ornement et le plus ferme soutien ; il leur demande pour son fils Salomon et pour la faiblesse de son âge, le même zèle, la même fidélité qui les avait toujours