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qui achève d’effacer du livre des justices du Seigneur ses anciennes passions étrangères.

Non, mes frères, la source du véritable héroïsme et de l’élévation des sentiments est dans la foi : le monde n’a jamais fait que de faux héros ; et la mort, qui nous montre toujours tels que nous sommes, découvre enfin en eux, ou une faiblesse de timidité qui les déshonore, ou une ostentation de fermeté, encore plus faible et plus méprisable que leur frayeur, parce qu’elle est plus fausse.

Louis meurt en roi, en héros, en saint. Un soudain dépérissement ébranle d’abord les fondements, ce semble inaltérables, d’une santé que l’âge, les afflictions, et les soins laborieux d’un long règne, avaient jusque-là respectée. Il avait vécu au delà de l’âge de nos rois ; et elle nous promettait encore une vie au delà du cours ordinaire de celle des autres hommes : il avait vu naître nos pères, et il semble que nous comptions que c’était à nos neveux à le voir mourir. Tout ce qui nous flatte nous parait toujours devoir être éternel.

Mais Dieu, dont le règne seul ne finit point, et qui avait déjà empreint au dedans de lui les caractères ineffaçables de la mort, les cachait encore aux lumières de l’art, et aux vaines espérances d’une cour que l’excellence du tempérament rassurait encore. Mais enfin le secret de Dieu se déclare ; la mort, cachée au dedans, laisse voir au dehors des signes toujours trop infaillibles qui l’annoncent : on ne peut plus la méconnaître ; sa lenteur augmente encore les horreurs de l’appareil. Louis seul la voit d’un œil tranquille. Au milieu des sanglots de ses anciens et fidèles serviteurs, de la consternation des princes et des grands, des larmes de toute sa cour, Louis trouve dans la foi une paix, une fermeté, une grandeur d’âme que le monde n’a pas encore donnée. « Pourquoi pleurez-vous, » dit-il à un des siens, que les larmes abondantes d’une douleur moins circonspecte lui font remarquer ; « aviez-vous cru que les rois étaient immortels ? »

Ce monarque, environné de tant de gloire, et qui voyait autour de lui tant d’objets si capables de réveiller ou ses désirs, ou sa tendresse, ne jette pas même un œil de regret sur la vie ; il ne lui reste pas même ces incertitudes qui montrent encore la vie au mourant, et qui mêlent du moins aux tristes saisissements de la crainte les douceurs de l’espérance. Il sait que son heure est ve-