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sa conscience ; charitable, qui fait de sa maison et de son crédit l’asile de ses frères ; de sa personne, la consolation des affligés ; de son bien, le bien des pauvres ; soumis dans les afflictions, chrétien dans les injures, pénitent même dans la prospérité. Qui pourra se sauver ? vous, mon cher auditeur, si vous voulez suivre ces exemples : voilà les gens qui se sauveront. Or, ces gens-là ne forment pas assurément le plus grand nombre : donc, tandis que vous vivrez comme la multitude, il est de foi que vous ne devez pas prétendre au salut : car si, en vivant ainsi, vous pouviez vous sauver, tous les hommes presque se sauveraient, puisqu’à un petit nombre d’impies près qui se livrent à des excès monstrueux, tous les autres hommes ne font que ce que vous faites ; or, que tous les hommes presque se sauvent, la foi nous défend de le croire : il est donc de foi que vous ne devez rien prétendre au salut, tandis que vous ne pourrez vous sauver si le grand nombre ne se sauve.

Voilà des vérités qui font trembler ; et ce ne sont pas ici de ces vérités vagues qui se disent à tous les hommes, et que nul ne prend pour soi et ne se dit à soi-même. Il n’est peut-être personne ici qui ne puisse dire de soi : Je vis comme le grand nombre, comme ceux de mon rang, de mon âge, de mon état : je suis perdu si je meurs dans cette voie. Or, quoi de plus propre à effrayer une âme à qui il reste encore quelque soin de son salut ? Cependant c’est la multitude qui ne tremble point ; il n’est qu’un petit nombre de justes qui opèrent à l’écart leur salut avec crainte ; tout le reste est calme : on sait en général que le grand nombre se damne ; mais on se flatte qu’après avoir vécu avec la multitude, on en sera discerné à la mort ; chacun se met dans le cas d’une exception chimérique ; chacun augure favorablement pour soi.

Et c’est pour cela que je m’arrête à vous, mes frères, qui êtes ici assemblés. Je ne parle plus du reste des hommes, je vous regarde comme si vous étiez seuls sur la terre ; et voici la pensée qui m’occupe et qui m’épouvante. Je suppose que c’est ici votre dernière heure et la fin de l’univers ; que les cieux