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pas et que n’auraient d’ailleurs pas pu appliquer les annalistes contemporains, il a pesé un à un tous les faits et de récits parfois contradictoires il est parvenu à dégager ce qui nous paraît être le plus pris de l’exacte vérité.

Il ne faut pas s’étonner que les relations les moins fidèles soient celles qui ont été écrites au lendemain même du combat du Long-Sault. Les Hurons rescapés qui en ont fourni la matière n’avaient qu’un pouvoir d’expression bien rudimentaire, et comme il paraît assez qu’ils se découvrirent à la fin de ceux qui s’enfuirent et non de ceux qui restèrent, l’on comprend qu’ils aient coloré quelque peu différemment leurs rapports.

M. Dollier de Casson et M. de Belmont ont écrit dix et vingt ans après le drame, mais M. Dollier de Casson surtout, qui est le plus proche et dont le récit est beaucoup plus circonstancié que celui de M. de Belmont, a eu l’avantage de ne pas recueillir seulement des rumeurs. Pendant le temps qui s’était écoulé depuis la mort de Dollard et de ses seize compagnons, on avait pu démêler peu à peu, et dans la mesure du possible, ce qu’il pouvait y avoir d’exagéré ou d’inexact dans les premiers récits de sauvages fort sujets à caution. Une tradition solide avait eu la chance de se former et l’historien du Montréal venait à propos pour la recueillir alors qu’elle était encore dans toute sa force vivante.

Il est temps cependant de noter que les quatre récits dont nous venons de parler s’accordent sur tous les points essentiels ou principaux. Nous pouvons et nous devons regretter de n’être pas renseignés de façon plus complète et plus sûre sur chacune des péripéties qui ont marqué le sacrifice de Dollard et de ses compagnons, car rien de ce qui touche à cet exploit sublime d’où dépendit le sort de notre race française en Amérique ne saurait nous être indifférent, mais cela ne diminue en rien leur héroïsme qu’ils aient lutté huit jours au lieu de dix, ou vingt contre sept cents au lieu de tente.

Ce que nous savons d’une façon indiscutable et parfaitement historique, c’est que, il y a aujourd’hui 260 ans, vers la fin d’avril 1660, dix-sept jeunes Français, âgés pour la plupart de 20 à 30 ans, ayant à leur tête, comme le plus vaillant, Adam Dollard, sieur des Ormeaux, entreprirent courageusement de barrer la route à la horde iroquoise menaçant Ville-Marie et jurèrent d’y réussir ou d’y perdre leur vie ; que cette petite troupe, acceptant à la dernière heure l’appui problématique d’une quarantaine de Sauvages que leur courage avait d’abord enflammés, s’engagèrent résolument sur la route de la victoire ou de la mort après s’être muni du pain des forts et après avoir jeté à leurs parents et amis au dernier tournant, un suprême adieu mille fois plus émouvant que le "morituri te salutant" des gladiateurs antiques ; que, une fois à leur