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qu’un certain Dollard et seize Français avec lui, aient, non pas même sauvé la colonie d’une ruine imminente, mais seulement, perdu leur vie au milieu d’un combat.

Cette ingratitude et ce silence ont ainsi duré jusque vers le milieu du siècle dernier. En 1837 même, Michel Bibaud, écrivant la première Histoire du Canada qui eût quelque prétention au genre histoire, n’a pas une seule ligne à consacrer au glorieux épisode de Carillon. Cette belle page de notre histoire est pour lui lettre morte ; il ne l’a pas connue, car comment expliquer autrement qu’il n’en ait pas parlé.

Ce n’est qu’en 1840, en effet, après que Bibaud eût publié, son Histoire que la mémoire de. Dollard fut enfin ressuscitée, d’un long oubli, par la mise au jour de l’Histoire, du Canada par M. de Belmont.

Vingt-huit ans plus tard, en 1868, parut pour la première fois l’Histoire du Montréal de M. de Casson dont le manuscrit comme celui de M. de Belmont était resté, depuis un siècle et demi, enfoui, sous les casiers poudreux des bibliothèques de France.

Ces deux publications si opportunes furent une révélation pour tous : elles contribuèrent largement à ramener l’attention des chercheurs sur nos origines et elles réapprirent au peuple canadien une foule de choses qu’il avait depuis longtemps oubliées. Un des plus notables services qu’elles aient rendus est peut-être, d’avoir retiré de l’oubli complet où ils étaient enfoncés les héros du Long-Sault et d’avoir préparé la réparation d’honneur à laquelle ils avaient droit après cent cinquante ans de la plus impardonnable ingratitude. L’auteur de la Relation de 1659-1660 ne croyait sans doute pas si bien dire lorsqu’il constatait que la fortune semblait avoir refusé à Dollard et à ses compagnons la gloire de leur sainte et généreuse entreprise.

À partir de 1840, avec la publication de l’Histoire du Montréal, Dollard et les siens commencent à rentrer dans leurs droits. Ils sont, pour de bon réintégrés dans la gloire et cette jois pour y rester. Les historiens s’en emparent et leur font enfin dans nos annales la place qu’ils ont méritée. M. l’abbé Ferland, M. Faillon, et Françis Parkman à la suite, ont célébré l’exploit du Long-Sault si hautement qu’il ne peut plus sortir maintenant de la mémoire des hommes. Les glorieux combattants de 1660 ne descendront plus jamais du piédestal d’admiration où les a enfin dressés la reconnaissance du peuple canadien.

Sans avoir besoin d’être auréolé par la légende, par la seule vertu de son dévouement historiquement, constaté, Dollard est devenu le héros par excellence du Canada français. De tous nos valeureux ancêtres, c’est celui sur lequel notre souvenir s’arrête avec le plus de complaisance et avec le plus de fierté. Mieux qu’aucun autre il incarne toutes les belles qualités dont s’honore à juste titre la noble race française : enthousiasme, désintéressement et bravoure.