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VI
PRÉFACE

nécessairement emporté avec lui le souvenir des troublantes légendes et des personnages surnaturels de son pays natal, c’est dans ce fonds qu’il puisa, en modifiant le cadre et les caractères, selon les besoins ou les impressions du nouveau milieu. Les revenants, les feux follets, les lutins, les loups-garous et les autres mythes se canadianisèrent ; ils vécurent parmi nous et de notre vie ; ils furent mêlés à toutes nos actions et leur ascendant devint bientôt indéniable.

Nous étions alors aux beaux jours des superstitions du foyer dont se nourrit une nation en son enfance. Nos prêtres s’efforçaient bien de déraciner ces mauvaises herbes, mais ils n’y parvenaient que lentement. Cependant, par la constance de leurs efforts multipliés, l’instruction se répandit enfin, le progrès de la civilisation jeta ses lumières dans les esprits, nos mœurs évoluèrent, et nos croyances générales furent modifiées.

De nos jours, la légende et le conte, qui étaient nés de la superstition, menacent de se perdre irrémédiablement.

Depuis 1837, pour fixer une date, quelques écrivains canadiens-français ont tenté de sauver de l’oubli plusieurs de ces contes d’autrefois qui plaisaient à l’âme simple de nos pères, et les jeunes générations ont pris un plaisir extrême à les entendre. D’autres sont venus, à la suite, qui se sont essayés dans les contes dits littéraires, et ils ont obtenu un assez franc succès.

Le nombre de ces productions étant déjà assez considérable, j’ai cru le moment venu d’en choisir un certain nombre, afin de permettre aux amateurs de les comparer et de les juger.