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CONTEURS CANADIENS-FRANÇAIS

cèrent à mes côtés. J’y étais depuis environ une demi-heure, lorsque j’entendis gratter sur ma cabane comme si des milliers de chats, ou autres animaux, s’y fussent cramponnés avec leurs griffes ; en effet je vis descendre dans ma cheminée et remonter avec une rapidité étonnante, une quantité innombrable de petits hommes hauts d’environ deux pieds ; leurs têtes ressemblaient à celles des singes et étaient armés de longues cornes. Après m’avoir regardé un instant avec une expression maligne, ils remontaient la cheminée avec la vitesse de l’éclair, en jetant des éclats de rire diaboliques. Mon âme était si endurcie que ce terrible spectacle, loin de me faire rentrer en moi-même, me jeta dans un tel accès de rage, que je mordais mes chiens pour les exciter, et que, saisissant mon fusil, je l’armai et tirai avec force la détente, sans réussir pourtant à faire partir le coup. Je faisais des efforts inutiles pour me lever, saisir un harpon et tomber sur les diablotins, lorsqu’un hurlement plus affreux que le premier me fixa à ma place. Les petits êtres disparurent, et il se fit un grand silence, et j’entendis frapper deux coups à ma première porte : un troisième coup se fit entendre, et la porte, malgré mes précautions, s’ouvrit avec un fracas épouvantable. Une sueur froide coula sur tous mes membres, et pour la première fois depuis dix ans, je priai, je suppliai Dieu d’avoir pitié de moi. Un second hurlement m’annonça que mon ennemi se préparait à franchir la seconde porte, et au troisième coup, elle s’ouvrit comme la première et avec le même fracas. Ô mon Dieu ! mon Dieu ! m’écriai-je, sauvez-moi ! Et la voix de Dieu grondait à mes oreilles comme un tonnerre, et me répondait : Non, malheureux, tu périras. Cependant un troisième hurlement se fit entendre et tout