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CONTEURS CANADIENS-FRANÇAIS

Rose, et tout en lui présentant un superbe collier en perles et en or :

— Ôtez votre collier de verre, belle Rose, et acceptez, pour l’amour de moi, ce collier de vraies perles.

Or, à ce collier de verre pendait une petite croix, et la pauvre fille refusait de l’ôter.

Cependant une autre scène se passait au presbytère de la paroisse, où le vieux curé, agenouillé depuis neuf heures du soir, ne cessait d’invoquer Dieu, le priant de pardonner les péchés que commettaient ses paroissiens dans cette nuit de désordre, le mardi gras. — Le saint vieillard s’était endormi en priant avec ferveur, et était enseveli, depuis une heure, dans un profond sommeil, lorsque s’éveillant tout à coup, il courut à son domestique, en lui criant : « Ambroise, mon cher Ambroise, lève-toi, et attelle vite ma jument. Au nom de Dieu, attelle vite. Je te ferai présent d’un mois, de deux mois, de six mois de gages.

— Qu’y a-t-il, monsieur ? cria Ambroise, qui connaissait le zèle du charitable curé : y a-t-il quelqu’un en danger de mort ?

— En danger de mort ! répéta le curé ; plus que cela, mon cher Ambroise : une âme en danger de son salut éternel. Attelle, attelle promptement.

Au bout de cinq minutes, le curé était sur le chemin qui conduisait à la demeure de Latulipe et, malgré le temps affreux qu’il faisait, avançait avec une rapidité incroyable ; c’était, voyez-vous, sainte Rose qui aplanissait la route.

Il était temps que le curé arrivât : l’inconnu en tirant sur le fil du collier l’avait rompu, et se préparait à saisir la pauvre Rose, lorsque le curé, prompt comme l’éclair, l’avait prévenu en passant son étole autour du cou de la