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MES SOUVENIRS

pression de cet acte, mais subitement, je me décidai à le conserver et je répondis à la juste question de l’enfant : « Oui, nous allons dans les Enfers ! » Et j’ajoutai : « Nous y verrons l’émouvante figure de Perséphone, retrouvant avec enivrement ces roses, ces roses divines, qui lui rappellent la terre bien-aimée où elle vécut jadis, avant de devenir la reine de ce terrible séjour, ayant comme sceptre un lis noir à la main. »

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Cette visite aux Enfers nécessite une mise en scène, une interprétation que je qualifierais volontiers d’intensives. J’étais allé à Turin (mon dernier voyage dans ce beau pays) par un froid assez vif, c’était le 14 décembre 1907, accompagné de mon cher éditeur, Henri Heugel, assister aux dernières répétitions du « Regio », le théâtre royal où, pour la première fois en Italie, on avait monté Ariane. L’ouvrage avait une luxueuse mise en scène et des interprètes remarquables. La grande artiste. Maria Farneti, remplissait le rôle d’Ariane. J’observai surtout le soin particulier avec lequel Serafin, l’éminent chef d’orchestre, faisant fonctions de régisseur, mettait en scène l’acte des Enfers. Notre Perséphone était aussi tragique que possible ; l’air des roses, cependant, me paraissait manquer d’émotion. Je me souviens lui avoir dit, à la répétition au foyer, en lui jetant une brassée de roses dans ses bras large ouverts, de les presser ardemment contre son cœur, comme elle eût fait, ajoutais-je, d’un mari, d’un fiancé toujours aimé, qu’elle n’aurait pas vu depuis vingt ans ! « Des roses depuis si longtemps disparues, au cher adoré qu’enfin