Page:Massenet - Mes souvenirs, 1912.djvu/219

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
MES SOUVENIRS
211

celui qui repose ici, devant nous, étant de ceux dont on ne mesure bien la taille qu’après leur mort.

« À le voir passer si simple et si calme dans la vie, dans son rêve d’art, qui de nous, habitués à le sentir toujours à nos côtés pétri de bonté et d’indulgence, s’était aperçu qu’il fallait tant lever la tête pour le bien regarder en face ?… »

À ce moment, je sentis des larmes obscurcir mes yeux et ma voix sembla s’éteindre, étranglée par rémotion. Je me contins cependant, et, maîtrisant ma douleur, je pus reprendre mon discours. Je savais que j’aurais tout le temps de pleurer !

Il me fut fort pénible, dans cette circonstance, d’observer les regards d’envie de ceux qui voyaient déjà en moi le successeur de mon maître au Conservatoire. Précisément, il advint que, peu de temps après, je fus convoqué au ministère de l’Instruction publique. Le ministre d’alors était mon confrère de l’Institut, l’éminent historien Rambaud, et à la tête des Beaux-Arts, comme directeur, était Henry Roujon, devenu, depuis, membre de notre Académie des Beaux-Arts, et son secrétaire perpétuel, et l’élu de l’Académie française.

La direction du Conservatoire me fut offerte. Vous savez, mes chers enfants, que je déclinai cet honneur, ne voulant pas interrompre ma vie de théâtre, qui réclamait tout mon temps.

En 1905, les mêmes offres me furent faites. J’y opposai les mêmes refus, les mêmes excuses.

Naturellement, je présentai ma démission de professeur de composition au Conservatoire. Je n’avais, d’ailleurs, accepté et conservé cette situation que