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MES SOUVENIRS

Le lendemain de mon retour à Paris, je reçus la visite de Bertrand et Gailhard, les deux directeurs de l’Opéra. Ils avaient un air effondré. Je ne pus obtenir d’eux que des soupirs, des paroles qui m’en disaient long dans leur laconisme : « La presse !… mauvaise !… Sujet immoral !… C’est fini !… » Autant de mots, autant d’indices de ce qu’avait dû être la représentation.

Je me le disais, et cependant voilà dix-sept années bientôt que la pièce n’a pas quitté les affiches, qu’on la joue en province, à l’étranger ; qu’à l’Opéra lui-même Thaïs a depuis longtemps dépassé la centième.

Jamais je n’ai autant regretté de m’être laissé aller à un moment de découragement. Celui-ci ne fut, il est vrai, que passager. Pouvais-je me douter que je serais destiné à revoir cette même partition de Thaïs, datant de 1894, dans le salon de la mère de Sibyl Sanderson, sur le pupitre de ce même piano qui servait à nos études, alors que la belle artiste n’est plus depuis longtemps ?…

Pour acclimater le public à l’ouvrage, les directeurs de l’Opéra lui avaient associé un ballet du répertoire. Par la suite, Gailhard, voyant que l’ouvrage plaisait, et pour former à lui seul le spectacle de la soirée, eut l’idée de me demander d’ajouter un tableau, l’Oasis, et un ballet, au troisième acte. Ce fut Mlle Berthet qui créa ce nouveau tableau, et Zambelli fut chargée d’incarner le nouveau ballet.

Ensuite, le rôle fut joué à Paris par Mlles Alice Verlet, Mary Garden et Mme Kousnezoff. Je leur dus de superbes soirées à l’Opéra, Geneviève Vix et Mas-