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flambe des massifs de charmes et de chênes. Aux feux du soleil couchant, le panorama est grandiose.

Dans la baie retirée milouins et bernaches voguent agiles sans souci de l’orignal qui barbotte sur la grève en broutant nénuphars et sagittaires.

Vient l’hiver. L’Alsiganteka neigeux, entouré d’une bordure de sapins, semble une écharpe lisérée d’émeraude sur le torse de quelque géant endormi. Et le spectacle varie et les métamorphoses se multiplient suivant la fantaisie de l’imagination.

Aux chutes surtout, c’est une véritable féerie architecturale parfois bizarre et fantastique mais toujours artistique. C’est un enchevêtrement de colonnes de tous les ordres, de coupoles, de dômes de tous les styles mais où le byzantin l’emporte. « Ce ne sont que festons, ce ne sont qu’astragales ! » L’eau en jaillissant se congèle et vernisse le tout d’un fini d’émail. On dirait l’entrée d’une grotte ornée de stalactites et de stalagmites. On dirait le palais de quelque roi de carnaval, un igloo somptueux avec portique, péristyle, etc. Dans la forêt cliquettent sous la brise les branches verglacées que le soleil nacre de nitescences, tels des cristaux de lustres réverbérant de leurs facettes l’éclat des bougies. Sur la rive, des souches chargées de neige figurent les personnages de cour, à perruques in-folio fortement poudrées, penchés dans une attitude grave ou obséquieuse. Des arbustes raffaux, capuchonnés de givre, pirouettent sous les rafales de la poudrerie comme des fous de roi, mal venus et difformes, mimant la comédie.

Parfois, la fantaisie devient fantasmagorie ; l’Alsiganteka allongé, sommeille, tel un immense reptile engourdi par le froid. De sa carapace, trouée, par endroits, de blessures béantes, sort