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XIII


1704 !

Qu’il est beau le grand fleuve Alsiganteka dont rien n’a flétri les sauvages attraits !

La cognée n’a pas encore défloré ses rives vierges, nul trafic n’est venu polluer la toison de ses longues herbes, nulle industrie n’a osé prostituer à des fins sordides l’effervescence et l’élan de ses ondes.

Tour à tour calme ou tumultueux, s’engageant avec fracas dans le col sinueux de passes escarpées comme des fjords où il rugit de fureur, ou s’épandant, las et rendu, dans un lit large où il semble reposer, toujours il poursuit une carrière variée qui captive la vue et extasie l’âme. Lorsque courroucé, sa colère se déchaîne, il se rue avec emportement contre les rochers interposés dans sa course, déracinant les arbres altiers dont il tord, comme des fétus, les troncs noueux, sapant le talus, entraînant tout ce qui gêne son élan désordonné. Puis, lorsque sa fureur s’est apaisée, il a des façons de bon géant et berce de son flot doucement cadencé le frêle esquif de l’homme des bois qui tend des embûches au maskinongé carnassier et à l’esturgeon vorace tapis dans leur repaire d’alsial.

Quel pinceau inspiré peindra jamais le maelstrom effrayant de ses rapides, le tourbillon vertigineux de ses chutes, la féerie de ses cataractes où des torrents d’eau sans cesse se précipitent, roulent comme en torsades, se déversent, empruntant, dans cette gymnastique folle, toutes les nuances de toutes les couleurs, se projettent sur l’ardoise bleu vert ou rouge vin, rejaillissent de pa-