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XII


Robert Gardner avait beaucoup d’envieux chez les Abénaquis de la réserve. Les quelques occasions qui les mettaient en contact avaient suffi pour leur inspirer cette inimitié que, du reste, il leur rendait bien. Lors du retour de Deerfield, il avait fallu tout l’ascendant et toute l’autorité de Hertel pour les empêcher de lui faire un mauvais parti. Les sauvages, nous croyons l’avoir dit, sont vindicatifs et rancuniers. L’internement des prisonniers à Chambly n’avait pas apaisé cette haîne qui s’était avivée encore depuis leur arrivée à Saint-François-des-Prés. Le voisinage du prisonnier les tantalisait et, sournoisement, ils ruminaient entre eux des projets de vengeance.

Robert, de son côté, s’était toujours montré intraitable pour ces barbares qui lui avaient ravi le bonheur en faisant prisonnière la femme qu’il aimait au point d’avoir, spontanément, partagé sa captivité. Il leur gardait impitoyable rancune de ce qu’ils s’étaient brutalement interposés entre le rêve ébauché et sa réalisation. Il n’avait pas appris, dans le monde, l’art de dissimuler ses sentiments et il ne cachait guère la répulsion qu’il éprouvait pour les ennemis de sa patrie devenus, par surcroît, les bourreaux de son bonheur et les geôliers de sa liberté.

Sa taille d’athlète, sa force herculéenne, l’amour d’Alice pour lui avaient fini de lui aliéner la moindre sympathie.

Aussi, fut-ce un cri de rage qui accueillit la nouvelle de l’évasion de ce « chien de Bastoni ». Pourquoi aussi ne pas l’avoir attaché au poteau de torture, dès son arrivée, au printemps, alors qu’il