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XI


L’indolence native a remplacé, chez l’Abénaquis, la fureur guerrière. Il n’y a pas de chevelures frais-scalpées aux portes des wigwams où pendent, comme assouvis, repus, tomahawks et haches d’armes ainsi que des carquois remplis de flèches de tournoi aux panards multicolores. Les sauvages, étendus à l’ombre, tapis comme des félins prêts à bondir, le corps immobile mais les yeux et les oreilles toujours à l’affût, pétunent l’acre sagakomi[1] dans de longs calumets.

Des noksas[2], assises à croupetons, nattent des tapis, tressent des paniers ou enfilent d’interminables colliers d’ésurgni[3]. Voilà l’industrie indigène.

Des enfants, plus loin, trôlée grouillante, s’ébattent au bord de l’eau et miment l’attitude de jeunes faons qui cabriolent et gambadent folâtrement. À un moment donné, surgit un autre groupe qui violemment agite des chichicouanes. Est-ce une bande de loups qui froissent le tapis feuillu du bois ? Est-ce la tempête qui fait déferler la vague sur les galets ? Est-ce le chuchotement des grands arbres consternés qu’alarme l’ouragan ? Toujours est-il qu’à ce bruit de crécelle en sourdine, à ce bruit indéfinissable de menus cailloux agités dans un crâne vieux et sonore, le troupeau de faons, gars délurés et fillettes lascives, s’enfuit sous bois, comme affolé en poussant des cris qui veulent être d’effroi. Et les chefs là-bas, flânant ou vautrés, ont suivi ce manège

  1. tabac indigène, feuilles séchées de la lobelia inflata (Linn.)
  2. sauvagesses non mariées.
  3. verroterie.