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rattache à la vie. Dans ce naufrage où ont sombré tant de rêves radieux, tu es l’épave à laquelle je me cramponne obstinément et sans laquelle je me laisserais couler au fond.

Frémissante d’amour et d’orgueil pour l’homme aimé, Alice boit ses paroles et pleure silencieusement d’indicible émotion. Qu’il est grand, qu’il est noble son Robert, comme, au fond d’elle-même, elle lui sait gré de ne pas la quitter et de désobéir aux douces remontrances que lui dicte son âme droite mais que désavoue son cœur épris.

— Courage, Alice, courage, ne te laisse pas abattre quand tout nous dit d’espérer, que les oiseaux chantent gaiement, que les papillons volètent, que le chaud soleil de juillet emplit la nature de vie et d’espérance.

Il feint l’exubérance, il enfile des mots, se suggestionne pour remonter le moral défaillant de la jeune fille. Quand elle a séché ses pleurs, il reprend :

— Écoute, chérie, ce que j’ai à te dire. Depuis un mois, je projette notre évasion de ce lieu maudit. Je ne t’ai pas mise au courant plus tôt afin de ne pas te désappointer si mes préparatifs échouaient. J’ai réussi et le moment approche où nous pourrons mettre le projet à exécution. Soigneusement caché en un lieu sûr, j’ai un canot que la dernière crue des eaux a fait dériver sur le rivage. Je l’ai dissimulé sous des aulnes touffus qui le dérobent à la vue.

— Oui, mon Robert, périssons ensemble, emportés par les eaux, percés tous deux de la même flèche implacable.

— Non, non, nous vivrons ensemble plutôt pour nous aimer et redire à nos enfants les péripéties de notre fuite.

— Dieu t’entende, mais l’Abénaquis veille…