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sure que s’éloignent les mirages que font naître dans une âme confiante l’amour et la foi.

Pourtant, Robert tâche à réagir afin de calmer les appréhensions de son Alice et lui inspirer un courage qu’il n’éprouve guère lui-même :

— Patience, darling, quoique plus éloignés de la patrie que nous l’étions dans ce donjon de Chambly, nous sommes plus rapprochés de la liberté sur cette isle.

— Tu t’abuses, Robert, nous sommes seuls ici avec nos compatriotes, c’est vrai, mais les Abénaquis sont tout près et font bonne garde. Ebenezer Nelson qui, il y a deux semaines, a tenté de gagner à la nage la rive opposée, s’est enchevêtré dans les herbes du fleuve alors que les sauvages l’ont à plaisir criblé de flèches.

Et la jeune fille regardant son fiancé avec une expression de doux reproche ;

— Encore si tu étais seul, tu réussirais à t’évader car tu as force et habileté, mais tu t’obstines à ne pas me quitter. Tu refuses de m’écouter et ce qui me fait le plus de mal c’est de songer que je suis la cause de ton malheur, que c’est pour me suivre que tu t’es constitué prisonnier et que je suis comme un boulet rivé à ta cheville…

Il l’arrêta :

— Boulet qui m’est plus léger que la liberté loin de toi. Ah ! Alice, la liberté sans toi serait pire que l’esclavage, la vie sans ton regard me serait à charge. La liberté, mais je n’en serais pas digne si j’avais l’âme assez basse pour l’accepter sans la partager avec toi. Tu es tout pour moi, je n’ai que toi au monde, toi seule me