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laires et demeuraient attachés à la côte où leurs comptoirs bien garnis attrayaient les trappeurs chargés de pelleteries ainsi que les barques de pêche. Dès cette époque, on pratiquait la contrebande, car déjà le libre échange était mal noté. À tout bout de champ, le Ministre marque au Gouverneur « de tenir la main à ce qu’il ne soit fait aulcun troc avec les Anglois ».

Il y avait beau temps que les Anglais convoitaient l’Acadie et l’Isle Royale où la pêche était si abondante. Or, pour réaliser ce projet, il fallait non seulement chasser les intrus français, mais aussi déposséder les premiers occupants dont, entre autres, les Abénaquis. Ces derniers se trouvèrent ainsi interposés entre les factions adverses, en butte, tour à tour, aux traîtrises ou aux blandices des deux adversaires, suivant les vicissitudes de la guerre. Ballottés sans cesse entre les ambitions rivales des Bourbons et des Stuarts, il leur fallait se garer de Charybde sans choir dans Scylla.

C’est dire que les sauvages étaient de simples pions que les gouverneurs de la Nouvelle-France et de la Nouvelle-Angleterre disposaient, à leur escient, sur l’échiquier américain et dont le sort était froidement prévu, calculé, sans qu’il y eut pour eux le moindre espoir non seulement de ne pas bénéficier de l’enjeu mais même d’échapper au destin perfide qu’on leur réservait.

Ainsi traqués sans mercy, placés pour ainsi dire, entre le marteau et l’enclume, les Abénaquis n’eurent guère de répit et ce qui empira encore leur situation déjà précaire fut le plan stratégique auquel s’arrêta le Gouverneur de les disperser depuis Pemquid jusqu’à Saint-François, en passant par Ujekomin ou Etchemin et Bécancourt. Répartis de cette façon par groupes ou réserves,